Plus dur le recommencement

Enseigner, transmettre, c’est un éternel recommencement, mais qui recommence quand même plus ou moins.

« Mais Madame, l’iPhone 8 ressemble à l’Phone 7 mais pourtant il n’en descend pas, ils ont bien été fabriqués par quelqu’un tous les deux, mais monsieur, Darwin c’est une religion comme une autre, , mais Madame vous avez vu cette vidéo sur Youtube qui dit le contraire ?? mais Madame vous les avez vus pour de vrai les fossiles du livre de SVT ? Non ? alors pourquoi vous y croyez ?? » tout ça, ce sont des choses auxquels les professeurs savent répondre. Ils prennent le temps, essaient de ne pas asséner, montrent des sources, discutent les sources contradictoires, essaient de donner des éléments mais sans imposer la réponse, en espérant que peu à peu les graines grandissent. Et quand elles grandissent ils sont satisfaits.

Mais l’énergie que cela consomme, la dépense que cela demande est toujours plus forte, face au nombre, face aux influences extérieures. Quel temps passé à aller analyser les raisonnements qui s’opposent aux enseignements, à trouver des failles convaincantes, à les discuter avec les élèves, tout ça pour construire à nouveau ce que la culture avait pourtant réussi au fil des décennies à consolider comme un acquis. Autant de temps passé à stagner, à régresser intellectuellement, à ergoter, à tourner en rond, parfois à s’ennuyer, au lieu d’avancer, de bâtir, de progresser, autant de temps qu’un jour les enseignants les plus âgés et expérimentés finissent pas trouver gâché, vain, avant de péter un câble et de devenir racistes.

Quand chaque génération remet davantage en question l’acquis culturel, revient avec des convictions religieuses toujours plus fortes, la frustration est énorme et je la comprends. Toute ce qu’investissent les enseignants pour se battre contre la réinitialisation de la culture, c’est autant d’énergie qu’ils n’investissent pas pour la formation des esprits scientifiques, des expert.e.s, des ingénieur.e.s, des technicien.n.es et des universitaires qui feront la France de demain.

Quelqu’un qui étudie l’économie de l’immigration, quelqu’un qui travaille pour SOS méditerranée, ou pour OXFAM, un expert des conflits des frontières, un humanitaire, ne peut pas savoir ça, ne peut pas sentir cette colère et ce découragement, car son métier avance, crée, sauve des gens, a du sens. Lui ne voit pas la stagnation, l’enlisement, la stérilité, gagner sa vie, son quotidien, ses efforts.


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