C’est toi qui dis c’est toi qui accueilles

Nous sommes sortis dîner ce week-end, et tout de suite les dérives d’extrême droite que connaissent mes pensées intérieures comme mon mur Facebook m’ont paru totalement décalées.

Il faut vraiment être détraqué comme un socialiste ou quelqu’un du printemps républicain pour, en buvant un bon vin, mangeant un bon plat, dans une cuisine refaite à neuf, faire la théorie des dangers de l’immigration, défendre une politique dont la conséquence est la mort et la misère d’hommes et des femmes sans doute bien plus dignes que vous, tout cela en enfouissant ses instincts moraux les plus basiques sous de grands concepts universalistes. Un sans-frontiériste qui défendrait dans le même contexte sa grande idéologie internationaliste, idéologie dont lui bourgeois ne supportera souvent pas les conséquences de la mise en pratique, est sans doute tout autant détraqué.

Alors que j’essayais cette nuit de dépasser ce conflit intérieur alimenté par la fermentation laborieuse de la mousse au chocolat, du Collioure et du curry de potimarron, et je n’ai fini par trouver la paix qu’en imaginant une résurrection de la droite gaulliste qui puisse peut-être rassembler autour du peuple les bourgeoisies chrétiennes et sociales à qui il reste encore une âme. Résurrection d’une famille politique dont l’éthique, le sens de la dette historique, le respect de la dignité humaine, ne peuvent pas s’accomoder des acrobaties intellectuelles que j’ai décrites plus haut mais qui n’a pas peur non plus peur d’édicter les règles de la maison, de mettre au travail, d’organiser son accueil comme bon lui semble, de mettre les contraintes nécessaires, et surtout, de travailler à l’intérêt national, le seul qui dans le moyen terme réconcilie l’impératif éthique de l’accueil et l’exigence d’efficacité et de paix intérieure sans laquelle ce dernier est voué à léchec.

Je pense ensuite que l’effort d’accueil doit d’abord reposer sur les bonnes volontés du haut, sur la mobilisation des piliers culturels du pays que représentent des bourgeoisies intellectuelles et chrétiennes, qui seulent doivent – et peuvent – supporter ce qu’elles appellent de leurs voeux. Pour en être un témoin direct, il n’y a rien par exemple qui vaille l’accueil d’un mineur étranger dans une famille bourgeoise, et surtout pas la tutelle des administrations publiques, des fonctionnaires de l’aide sociale à l’enfance ou de ceux l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Je ne dis pas que c’est facile, ne vous méprenez pas, il est clair que l’accueil d’un corps étranger au coeur même de la famille, dans son quotidien, un corps qui n’est ni de ta chair ni de ton moule, ne vient pas sans frictions, naturelles et inévitables. Cependant, je crois que celles-ci ne doivent pas être percues commes rédhibitoires, elles doivent être comprises et acceptées. Le soutien moral et la reconnaissance de l’effort de ces familles bourgeoises, de leur choix d’affronter l’adversité, doit être sans faille, et on doit leur donner la liberté d’arranger l’accueil comme bon leur semble, selon leurs propres valeurs et leurs propres méthodes, valeurs et méthodes qui d’ailleurs ont souvent permis à leurs propres enfants de bien réussir.

Après avoir réglé de manière certes un peu expéditive cette question de la responsabilité et du devoir des bourgeoisies, j’ai pu m’endormir, mais je suis bien conscient qu’il reste beaucoup à régler : l’accueil de l’adulte, la limitation du nombre d’accueillis, la question dans ce contexte de l’adversité culturelle, l’islamisme etc. Je pense que sur ces questions des tabous devront tomber, notamment ceux de la place de la charité, ou de la limitation des flux migratoires en échange du financement de centres d’accueils, d’éducation, de soutien extra-territoriaux et bien dôtés.

Soulager du poids de l’immigration les classes intermédiaires, les métiers de première ligne, la roue éducative, le budget de l’Etat, prélever directement la finance et le confort de la bourgeoisie en faisant appel à ses propres convictions éthiques et morales, qu’elles soient chrétiennes, musulmanes ou socialistes, lui garantir en échange de la mobilisation de son capital culturel et éducatif la reconnaissance, la garantie de la tranquillité, la liberté d’arranger son accueil comme elle l’entend, voilà la voie sur laquelle j’ai pu enfin trouver le sommeil cette nuit.


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