Traduction approximative. Le sioniste et la raison (2).

L’idée dans les méthodes.
Par Elad Lapidot.

Traduit approximativement de cet article en allemand, corrections de langues bienvenues.

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Dans cette période de violence extrême qui envahit le Moyen-Orient et les esprits de tous les hommes, partout, nous, Israéliens, Juifs, recherchons d’autres voix du passé, du judaïsme, du sionisme. Martin Buber, philosophe juif allemand du dialogue, dont l’essai « Je et Tu » a été publié il y a exactement cent ans, était également une figure éminente du mouvement sioniste. En même temps que beaucoup caractérisaient le sionisme de Buber de sionisme spirituel et moral, en opposition au sionisme politique de Theodor Herzl et David Ben Gurion, Buber voyait lui-même la séparation de la politique et de la morale comme un mal qui avait affecté la civilisation européenne moderne.

L’une des plus importantes allocutions de Buber sur le sionisme a eu lieu le 31 octobre 1929, deux mois après une série de massacres cruels perpétrés par les Arabes, alors majoritaires en Palestine, contre la minuscule minorité juive dans des villes comme Jérusalem, Hébron et Safed. Cent trente-trois Juifs, hommes, femmes et enfants, ont été torturés et cruellement assassinés ; des communautés juives entières, comme celle de Gaza, ont été définitivement anéanties. L’historien Hillel Cohen a qualifié l’année 1929 de « point zéro du conflit israélo-arabe », et les massacres du 7 octobre 2023 présentaient des parallèles choquants avec cette tragédie initiale.
Ce jour d’octobre 1929, Martin Buber a prononcé un discours devant la section berlinoise de l’association Brit Shalom, en hébreu « Alliance pour la paix ». Pour lui, le sionisme n’était pas simplement une manifestation supplémentaire du nationalisme qui viserait à promouvoir les intérêts d’un peuple particulier, ce que Buber critiquait comme « égoïsme collectif ». Il considérait plutôt le sionisme comme un projet national juif visant à établir une politique enracinée dans la justice et la paix, jetant ainsi les bases d’une « nouvelle communauté humaine ». « C’est le fondement de cette chose que nous appelons Sion. » La Palestine devait être l’endroit où, après deux millénaires d’exil, les Juifs pouvaient enfin réaliser leur vision universelle. L’idée centrale était de « réaliser déjà dans les méthodes l’idée ». Citant le prophète Isaïe, Buber proclama : « Sion sera racheté par la justice. »

Mais que devint cette vision après le bain de sang ?

Où était la paix ? Où était la justice ? Buber voyait en cette heure l’une des plus difficiles pour le peuple juif, empreinte d’émotions tumultueuses, un moment de décision et de vérité. Beaucoup avait changé, admit-il. Cependant, sa « conception de cette affaire, de notre relation avec le peuple arabe », n’avait pas changé. « Ce n’est pas une conséquence dont je puis me réjouir, c’est une conséquence que je supporte douloureusement. »
La souffrance de Buber découlait du contraste marqué entre sa position et l’opinion sioniste dominante. La plupart des sionistes déduisaient de la violence arabe que les Arabes étaient intrinsèquement hostiles et violents envers les Juifs. Ils croyaient que la réponse appropriée à une violence implacable n’était pas des paroles de paix, mais des actions de plus grande violence. Cette perspective influença l’attitude fondamentale des colons juifs en Palestine envers les Arabes dès le « point zéro du conflit israélo-arabe ». Le chagrin le plus profond de Buber vint de la scission de son propre cercle, de la désintégration des camaraderies intellectuelles, de la crise de Brit Shalom.
Buber refusait de décrire la lutte de manière manichéenne, de considérer les Arabes comme une nouvelle variante de l’Amalek biblique. Il insistait pour reconnaître le contexte sociopolitique évident et immédiat des explosions de violence. Buber concédait que la vision du sionisme pouvait être noble, mais que sa mise en œuvre entraînait la colonisation européenne de la Palestine. Cette réalité, souvent remise en question dans l’apologétique actuelle de la politique gouvernementale israélienne, était une simple vérité pour le mouvement sioniste précoce. Le sionisme a installé des Juifs européens en Palestine, rendu possible uniquement par une alliance avec l’Empire britannique qui occupait le pays depuis la Première Guerre mondiale. Buber voulait qu’on reconnaisse que ce projet engendrait inévitablement une injustice envers la population arabe indigène.

Une colonisatinon sioniste, pas un impérialisme

Un élément d’injustice, expliquait Buber, englobe toute entreprise politique – les Juifs ne sont pas des saints et ne sont pas innocents. Cependant, il ajoutait que c’était aussi leur devoir de minimiser les injustices qu’ils infligeaient. Mais, selon Buber, le sionisme n’est pas un impérialisme. Contrairement à la colonisation impériale des puissances européennes, axée sur l’expansion et l’exploitation, la colonisation sioniste représentait les efforts des Juifs impuissants pour construire une communauté basée sur la justice sociale, qui devait aussi être bénéfique à la population locale.
On peut remettre en question la distinction entre ces deux formes de colonisation, car l’exploitation coloniale se justifie souvent sous le prétexte de promouvoir le progrès. Buber était conscient du défi de distinguer entre les intérêts des colons juifs et ceux des Britanniques, dans le contexte géopolitique qui allait également façonner le futur État d’Israël. « Nous étions donc engagés dans une entreprise coloniale liée à une puissance dont la tendance allait à l’encontre de la nôtre. Notre tâche première était de faire comprendre au monde, de faire comprendre à l’Angleterre elle-même, à l’Occident, au Moyen-Orient, que nous ne voulions pas être les porte-étendards de l’Empire britannique. »

Buber considérait que les sionistes avaient failli à cette obligation. Leur agenda politique était impérialiste, axé sur l’augmentation des colons juifs et une domination numérique sur la population arabe indigène. La vision dominante, qui devait effectivement devenir le principe fondamental de l’État juif, prévoyait que les Juifs constitueraient la majorité démographique et réduiraient la population palestinienne et ses descendants à une minorité. Les paroles de Buber résument de manière pertinente un siècle de conflit : « Nous avons vécu en Palestine essentiellement non pas avec les Arabes, mais à côté des Arabes. Et la conséquence de cela, puisqu’il n’y a pas eu de coexistence mais plutôt une cohabitation, la conséquence en est que de nos ‘ennemis’, ils sont devenus un ‘contre’. »

Protestation contre les peines de mort

La conclusion de Buber reste encore aujourd’hui percutante et ressemble à un avertissement prophétique : « Si nous avions été réellement prêts à vivre ensemble, les événements récents ne seraient pas produits ». Cet acte de prise de responsabilité pour la situation, le refus de se voir comme une victime innocente aux droits absolus, amena Buber à faire la déclaration la plus forte de son discours. En refusant de criminaliser ses ennemis, en tant que Juif, en tant que sioniste, il s’éleva contre les condamnations à mort prononcées par les autorités militaires britanniques contre des auteurs arabes et déclara : « Nous, sionistes, nous, Juifs, devons intervenir. Nous n’avons pas le droit, mais nous devons manifester, nous devons dire au monde que c’est notre volonté que les peines de mort prononcées à notre encontre, en raison des méfaits commis contre nous, ne soient pas exécutées. »
Buber cherchait à stopper la violence et les meurtres. Il considérait les Arabes comme un « Tu » et non comme un « Il », et croyait que le mouvement national palestinien devait être reconnu. Selon Buber, Sion ne pouvait être juste, ne pouvait créer la paix, que s’il existait en tant que coopération judéo-arabe, en tant qu’alliance pour la paix. Il envisageait une relation positive avec les Arabes dans divers domaines, plaidant en faveur de la solidarité économique plutôt que de la politique alors en vigueur du « travail hébreu » et soulignant le devoir de connaître la culture arabe, la langue et l’islam, contrairement aux sentiments anti-arabes souvent racistes parmi les colons juifs. La vision politique de Buber n’envisageait pas un État juif, mais plutôt un État binational travaillant pour le bien de l’ensemble de la population du pays et intégré à une fédération régionale des États du Moyen-Orient.

Le massacre commis par le Hamas le 7 octobre a réactivé un traumatisme collectif profond

Cette vision semble aujourd’hui illusoire. L’horrible violence des massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre a profondément bouleversé les Juifs israéliens. Notre choc ne nous a pas empêchés de faire des comparaisons. Au contraire, la réalisation que nos enfants sont la cible d’une telle haine a réactivé notre traumatisme collectif le plus profond. Beaucoup donnent un sens à ces atrocités en les comparant aux massacres de Juifs pendant la Shoah et les pogroms. Ils contextualisent la haine palestinienne comme une nouvelle éruption d’antisémitisme – les actes ne sont pas seulement barbares, mais le mal absolu. Cette perspective dicte la réponse militaire d’Israël. La violence extrême et indiscriminée des attaques israéliennes sur la bande de Gaza depuis le 7 octobre vise à éliminer le mal, à sauver les Juifs d’Auschwitz. Le Premier ministre Netanyahou a déclaré à ses soldats : « C’est une guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres. »

Dans cette atmosphère, toute personne proposant un contexte alternatif pour les massacres, mettant l’accent sur le conflit israélo-palestinien plutôt que sur la haine éternelle envers les Juifs, ou suggérant que les actions d’Israël à Gaza pourraient être un problème plutôt que la solution, est étiquetée comme justifiant le mal. On les accuse de trahison.

Pensons à Buber. Sa vision semble aujourd’hui illusoire, comme elle l’était pour la plupart des sionistes à l’heure zéro du conflit et tout au long de son histoire. Même Brit Shalom n’a été que de courte durée. Mais Buber est resté résolu. Avec quelques autres, trop peu nombreux, il a continué à plaider en faveur de la collaboration plutôt que de la domination, une stratégie qui a façonné la politique juive en Palestine et plus tard en Israël. La violence excessive et persistante actuelle jette une ombre sur les perspectives d’un avenir binational. Néanmoins, si nous voulons éviter un génocide ou un suicide, une variante de la vision de Brit Shalom est la seule option possible. Beaucoup dépend de notre capacité aujourd’hui, en tant que Juifs, en tant qu’Israéliens, à déclarer : « C’est notre volonté que les peines de mort prononcées pour nous, en raison des méfaits commis contre nous, ne soient pas exécutées. »


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